Une vie qui se cabre

Dans un monde où l’histoire de la colonisation est souvent racontée de manière factuelle et pessimiste, Sylvain Pattieu aux éditions Flammarion nous offre une uchronie vibrante et optimiste. Il imagine un univers où les colonies auraient perduré après 1960, nous invitant à rêver d’un futur marqué par davantage d’égalité entre les hommes, même si le chemin est sinueux. Ce roman, intitulé « Une vie qui se cabre », tire son nom d’un poème d’Aimé Césaire et propose une exploration profonde et émotive de notre passé réinventé.
Ayant grandi sur une base militaire à Djibouti avant de m’établir à Aix-en-Provence, j’ai ressenti une profonde connexion avec le personnage de Marie-des-Neiges. Elle incarne le déracinement et les questions identitaires, « le cul entre deux cultures », qui ont également marqué mon parcours. Le roman nous plonge dans un contexte post-colonial où les transferts culturels sont intenses, et où les personnages se questionnent sur leur identité et leur avenir.
L’auteur dépeint avec émotion des villes telles que Dakar, Marseille et Aix-en-Provence. Ces descriptions ont réveillé en moi des souvenirs précieux, notamment la lenteur de la vie à Djibouti et la richesse des échanges culturels à Dakar. Pattieu capture également l’essence de Marseille et d’Aix-en-Provence, avec leurs fontaines, balustrades, et institutions comme Sciences Po, ajoutant une touche de nostalgie à ma lecture.
J’ai particulièrement apprécié l’élan d’optimisme qui anime le groupe d’étudiants d’Aix-en-Provence et de Marseille. Leur solidarité et leur espoir, de changer le monde par la politique sont contagieux. Cette vision positive contraste fortement avec l’ambiance souvent morose des récits historiques sur la colonisation.
Sylvain Pattieu excelle à présenter les différents points de vue sur la colonisation à travers des personnages diversifiés. Certains, comme Lakhdar, voient la colonisation comme une forme d’esclavagisme à combattre, tandis que d’autres y perçoivent des opportunités de modernisation et d’éducation. L’auteur adopte une approche équilibrée et courageuse, reflétant les vérités complexes de cette période historique.
Ce roman m’a non seulement apporté une dose bienvenue d’optimisme, mais m’a également incité à revisiter les écrits sur la colonisation. Sylvain Pattieu, avec une grande précision historique et une sensibilité touchante, m’a permis de réévaluer mon propre passé et mes convictions.
Si je devais formuler une critique, ce serait sur le développement du personnage de Marie-des-Neiges. J’aurais aimé en savoir plus sur la provenance de son enfant et avoir des descriptions physiques plus détaillées pour m’attacher davantage à elle. Elle semble parfois passive, se laissant porter par les événements sans vraiment prendre parti.
Malgré cette petite réserve, « Une vie qui se cabre » est une œuvre à découvrir absolument. Courez acheter ce livre, vous en sortirez transformés !
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