Chrawnique littéraire : Ilaria

« Terrassant » est le premier mot qui m’est venu à l’esprit en terminant ce roman. Ilaria a huit ans, et son père un soir de sortie d’école l’emmène avec lui sur les routes d’Italie. Ce qui ressemble à un road trip vacancier entre un père aimant et son enfant, se révèle être le kidnapping d’une de ses filles en chantage d’un couple qui ne veut plus de lui.

S’ensuivent deux ans d’autoroutes, de petits hôtels, de familles et amis presque inconnus au bataillon de la protagoniste éponyme, perdue entre l’amour qu’elle voue à son père et la découverte de ses démons grandissants.

Lorsque je dis que ce roman m’a terrassé, c’est parce que tout raconté ici par Ilaria, via le prisme de ses candeur et innocence disparaissant de kilomètres en kilomètres en écho à ses souvenirs : des traits de ses mère et sœur jusqu’à sa propre langue, nous accompagnons l’effacement d’une fillette enjouée qui ne sait plus que se raccrocher, et non vivre, dont les moments heureux deviennent davantage épars au fil des pages. Elle n’est qu’une passagère, y compris d’elle-même.

Il y a ici une atmosphère presque étouffante, tout est à bout de souffle. L’écriture de Gabriella Zalapì y est extrêmement fluide et ténue, et ne verse pas dans le sentimentalisme pour nous décrire au travers du regard d’Ilaria, son nouveau monde qui s’y reflète. C’est un journal de bord séquencé où les mots choisis, leur imbrication, le phrasé, sont tout autant moteurs de l’histoire que les pensées de son héroïne, un narrateur à part entière brouillant les pistes entre l’amour et la répulsion, et le passage du temps.

Assurément l’un des plus beaux textes de cette rentrée littéraire !

Ilaria, de Gabriella Zalapì, aux éditions Zoé, 2024