Chrawnique littéraire : Pipeline

C’est le règne du pétrole, celui qui s’infiltre partout, dans les pensées, les vêtements, le nez, les pores de la peau.

L’or noir est en effet le personnage principal de Pipeline, premier roman de Rachel Cholz aux éditions du Seuil, tout comme Akira l’était dans le manga éponyme de Katsuhiro Otomo : quasi-dieu, omniprésent, mais jamais narrateur ni acteur de l’histoire.

On y suit la narratrice sans nom et son acolyte sans peurs, Alix, dans leurs combines de siphonnages d’essence à même les réservoirs, dans un Bruxelles très Mad Max, jusqu’à ce qu’ils passent à la vitesse supérieure et percent un pipeline. De là, tous les rendements et possibles explosent, et la débrouille se mêle aux mafieux et petites frappes sans filtres.

Ce qui m’a profondément séduit – oui, séduit – dans ce premier roman, est la langue qu’emploie Rachel Cholz, une parole dansante comme un morceau électro-punk, tantôt rapide, abrupte, poétique, tantôt punchline mise au service d’un pétrole devenu sensuel, qui envahit tout, l’histoire et ses protagonistes, le lecteur également. Un roman qui suinte.

À la fois parfum et lubrifiant, à la fois denrée financière et nourriture, le fuel en devient fuel du récit aussi, et l’on se surprend à la lecture à se demander si nous ne sommes pas en train de lire à une station-service, tant les mots en deviennent olfactifs. Les petites galères présentées dans ce Pipeline en deviennent des croisières, et je n’en verrai jamais plus un taxi de la même façon.

Pipeline, de Rachel Cholz, éditions du Seuil, 2024