Chrawnique littéraire : La Nuit barbare

Vous êtes-vous déjà demandé s’il était normal de promener ses amis en laisse – en dehors d’une soirée Dèmonia – ou pourquoi nous ramassions les crottes de notre meilleur ami ? Nicolas Tavaglione, oui.

Enfin, pas sur ces points précis, mais cet essai en forme de fiction qui se lit comme tel, sorti aux éditions de la Veilleuse, nous offre une excursion dans les réflexions de son auteur, nées du débarquement dans sa vie il y a 4 ans de son chien Italo, et de l’amour qu’il a engendré en lui.

Je rejoins pas mal Nicolas dans les conséquences d’aimer un animal comme sa propre chair, moi qui ai grandi au contact de nombreux chiens et chat, en bon fils de cavaliers que je suis : très vite nous ne faisons plus la différence entre un animal et soi et n’importe quel membre de la famille, tant le quotidien est lié aux bêtes à entretenir et qui en retour nous entretiennent aussi.

Ce qui est ici très intéressant, avec ce Soi-même comme un chien, c’est que le narrateur est tout autant sujet d’étude que son chien, tout autant une expérimentation, et Totor, surnom du héros poilu de cet essai, est bien souvent le maître à penser du narrateur, qui se met à sa place pour trouver la sienne.

Ce livre est en soi une balade, au sens propre et double, car leurs pérégrinations aussi bien à la montagne qu’au « parc à chiens » – équivalent de Disneyland pour les canidés – sont elles-mêmes assorties de balades de pensées et de philosophie, pour mieux étudier les comportements canins et les nôtres, les impacts de l’un sur l’autre. De la coévolution. De ce qu’est la domestication – ici l’auteur parle d’un animal domestique canidé, il n’est pas question des chiens sauvages, bien qu’ils existent, la preuve moi – ou de spécisme et d’antispécisme. Il est une mise à jour des théories d’étude telle celle de Smuts, par exemple, pour prouver que Totor est le chien de Wittgenstein : cela reste un essai, même si romancé, et c’est la force de ce livre que de brouiller les pistes comme on pourrait lancer un bâton à un homme.

Soi-même comme un chien narre un quotidien souvent tendre faits de jeux, de caresses et de joie, parfois de tristesse, comme la castration d’un ami à quatre pattes – cette phrase n’est pas si bizarre que ça lorsqu’on lit le livre – ou ses absences, et donc du manque des siens, sans jamais trop verser dans l’anthropomorphisme, plutôt même le contraire, je ne sais plus : la différence est dorénavant brouillée, mais reste qu’il devrait être entre toutes les pattes, parce qu’il nous fait repenser notre rapport à soi, à l’autre, aux villes, à l’espace, tout en étant une belle dose d’amour. C’est important l’amour.

Soi-même comme un chien, de Nicolas Tavaglione aux éditions La Veilleuse, 2024