Raw Afrique : Le crépuscule de la Françafrique

Nous sommes aujourd’hui le 23 décembre 2023 (1). Dans ma maison de Yaoundé où je vis à 50% (le reste du temps à Genève) avec mon épouse camerounaise, je regarde passer les nouvelles, les posts (et les fakes) sur les réseaux sociaux.
Un élément saute aux yeux : si ce que l’on voit sur ces réseaux varie en fonction du lieu où l’on se trouve et de nos préférences repérées par les algorithmes, cela permet précisément d’observer que la différence est considérable entre ce que l’on lit en Afrique francophone et en Europe.
Si le Covid, puis l’Ukraine (Gaza étant l’exception car présent en masse sur les deux continents) ont accaparé les réseaux en Occident, c’est ici les soubresauts (certains vont jusqu’à dire les convulsions, voire l’agonie) de la Françafrique qui occupent la quasi-totalité de la toile. Avec quelques sous-thèmes un peu plus fréquents : le franc CFA, le charisme et la popularité d’Ibrahim Traoré – digne fils spirituel de Thomas Sankara, arrivé au pouvoir il y a un an à la faveur d’un coup d’Etat – et bien sûr la création de l’AES.
De fait, je suis très heureux d’avoir la chance de pouvoir opérer ces comparaisons ! De m’étonner, par exemple, du silence complice des mainstreams occidentaux sur le sujet, quand il ne s’agit pas simplement de désinformation grossière !
Permettez-moi donc un paragraphe de présentation et de réflexion générale avant d’en revenir au vif – aux vifs – du sujet qui sera au centre de la série de contributions que je me propose d’apporter à l’agence Raw : le présent et l’avenir de la Françafrique.
Mon nom est Patrick Magnenat ; j’ai 63 ans. Au lieu de l’inévitable « carré » désormais à la mode dans les médias, de cet incontournable « pavé » si apprécié depuis quelques années pour présenter l’auteur d’un texte ou d’un ouvrage, j’ai décidé, moi qui déteste les modes, de faire les présentations directement à l’intérieur de mon premier article, à la suite de quoi je détaillerai le contenu des « efforts » (autre terme à la mode en synonyme de « publication », mais qui dans mon cas prend tout son sens propre, victime que je suis de la maladie de Lyme en phase 3, affection dont l’un des nombreux symptômes – un site canadien en recense 46 ! – consiste en la présence d’une « force d’inertie » face à laquelle le moindre … effort justement, demande une dépense d’énergie physique et morale considérable) qui viendront parsemer le site, à raison d’un article tous les 10-15 jours.
Jusqu’à fin 2021, j’ai travaillé pour un mainstream à versions papier et online, mais en tant que correcteur et non comme journaliste. De fait, je n’ai jamais cherché à obtenir le (précieux ?) sésame du RP. Néanmoins, j’ai toujours adoré écrire et mes collaborations depuis une quarantaine d’années en tant que freelance sont diverses et variées. C’est en écrivant en 2022 pour le compte de la société Geneva Business News que j’ai été repéré par le responsable du département presse de l’agence Raw, qui m’a fait le privilège de me détailler le programme à venir de ladite agence, et surtout de me bombarder responsable de la section Afrique, qui colle plutôt bien à mes spécificités.
Mes spécificités ? D’abord une très grande distance avec le comportement des journalistes du sérail, des membres des mainstreams helvétiques, distance née de mon licenciement à fin 2021 pour « liberté de pensée » et de ma rage sans fond de voir la quasi-totalité desdits journalistes accepter de se muer de 4e pouvoir en porte-parole du pouvoir à la faveur de la crise covidienne, et ce malgré les zones d’ombres et les éléments qui s’accumulaient dans le sens d’une rétention de l’information quand il ne s’agissait pas simplement de déclarations fausses. C’est ce scepticisme sur les politiques covidiennes occidentales qui est à l’origine de mon licenciement après douze ans de bons et loyaux services.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur les spécificités mais je vais m’en tenir à notre calendrier et vous informer, donc, que la prochaine publication sera consacrée à un bref historique de la présence française en Afrique de l’Ouest, au passage du colonialisme au néo-colonialisme ainsi qu’à la création de l’AES*, à l’heure où les infos ici en Afrique ne parlent que de l’abandon par cette même Association des Etats du Sahel du franc CFA**, de fait la dernière monnaie coloniale dans le monde, utilisée de gré ou de force par les 14 pays francophones subsahariens, au profit d’une monnaie commune, le Sahel.
Au fil des articles, je détaillerai alors les coups d’État qui ont amené au pouvoir, tant au Mali qu’au Burkina Faso et au Niger, des militaires intègres bénéficiant du soutien quasi inconditionnel de la population. Je consacrerai également un article au panafricanisme qui fédère désormais des millions de partisans derrière les figures emblématiques de Kémi Seba et de Nathalie Yamb, et je n’ai pas encore perdu tout espoir, même si à cette heure mes efforts sont demeurés vains, de vous proposer l’interview de cette dernière, « clou » de ma série de textes, comme « cerise sur le gâteau ». Je parlerai aussi du silence assourdissant des médias occidentaux sur les tentatives de déstabilisation de l’AES par la France, via la CEDEAO*** qu’elle chapeaute, avec en point d’orgue une tentative de coup d’Etat au Burkina Faso par le chef de la garde Présidentielle, grassement payé selon ses propres dires par la France d’Emmanuel Macron via Alassane Ouattara, président de la Côte d’Ivoire appartenant à cette génération de présidents octogénaires et souvent corrompus qui restent pour l’instant l’ultime rempart pour l’Hexagone contre la volonté quasi unanime des populations africaines de se libérer du joug de la France et du franc CFA****. Oh, ce ne sont certes pas les thèmes qui manquent, à l’heure où l’Histoire est en marche dans cette partie du globe…
P.S. : ce texte a été rédigé le 20 décembre 2023.
Le lendemain, Nathalie Yamb tenait une conférence à Niamey, où elle a bien sûr appelé à la résistance contre le néo-colonialisme et félicité le Niger ainsi que les deux autres membres de l’AES.
Le surlendemain, on apprenait que Nathalie était désormais interdite de séjour dans l’Hexagone.
Deux mois plus tard, le président charismatique de l’association Urgence panafricaniste apprenait que la France allait le déchoir de sa nationalité (il est Franco-Béninois). Je consacrerai bien sûr plusieurs pages à ces événements.
* AES : Association des Etats du Sahel
** CFA : franc cfa = franc des colonies d’Afrique
*** CEDEAO : Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest
*** Bien sûr, derrière tous ces faux-semblants se lit surtout la volonté farouche mais quasi désespérée de l’Hexagone de ne pas renoncer à ses privilèges, à la présence de ses multinationales, etc. Saviez-vous, par exemple, que la France payait au Niger l’uranium à 4000 euros, alors que le prix du marché, tel qu’on le retrouve chez l’autre grand fournisseur d’uranium, le Canada, est de 137’000 euros ? L’intérêt explique bien sûr l’insistance à tenter de récupérer le Niger !
(1) Note de la rédaction
Patrick Magnenat, notre responsable de la section Afrique, avait été approché vers la fin 2023 pour commencer une série d’articles sur le double thème de l’histoire coloniale française et de l’actualité politique dans la région, entre autres avec la création de l’AES.
Pour présenter la chose, Patrick avait écrit un premier texte, dans lequel il annonçait à la fois le programme en question et donnait des renseignements sur son propre compte. L’article a été écrit le 23 décembre 2023.
Or, en raison de divers impondérables, le site n’a pas pu être mis en ligne début 2024, mais seulement à ce jour.
Après réflexion et consultation, nous avons décidé de laisser la date du 23 décembre afin d’avoir un repère crédible, et nous excusons pour le délai imposé contre notre volonté, mais nous pensons qu’il n’a rien perdu de son intérêt ni de sa pertinence.
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