Actualité de l’AES 2

Quelques impondérables ont retardé la livraison et la publication des textes consacrés à la situation africaine. Conséquemment, certains articles présentant l’actualité d’octobre ou décembre, par exemple, n’ont plus l’intérêt qu’ils présentaient à l’époque et même l’angle sous lequel ils ont été rédigés devrait être réanalysé à la lumière des événements qui se sont produits a posteriori, telle l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, pour ne donner qu’un seul exemple. J’ai donc dû me résoudre, maintenant que « le champ est libre » pour la rédaction de nouveaux textes, à commencer – comme j’avais terminé le dernier il y a quelques mois (mais qui vient d’arriver en ligne) – l’étape présente et future par un « SURVOL », en l’occurrence un résumé de ce qui s’est produit les quatre derniers mois en Afrique francophone subsaharienne ainsi qu’au Ghana, en maintenant une priorité volontairement et librement consentie sur l’actualité de l’AES, comme un pied-de-nez à l’omerta imposée dans les mainstreams occidentaux.
D’ailleurs, avant d’aller plus loin, je voudrais commenter un peu ladite omertà. Qui s’apparente quasiment à une chape de plomb, même si le front européen s’est – un tout petit peu – fissuré grâce aux commentaires des politiques italiens, Giorgia Meloni et ses ministres. Dieu sait si mes idées sont éloignées de celles des gens au pouvoir à Rome, mais ça fait uand même sacrément plaisir d’entendre des Européens rappeler que sans son néo-colonialisme éhonté, sans le pillage continu du sous-sol africain, sans les bases militaires et le franc cfa, la France aurait un rang parmi les nations du niveau moyen d’un pays du tiers monde. (NB L’Elysée a protesté et démenti, bien sûr, mais sans aucun argument à décharge. Forcément, puisqu’ils n’en ont pas).
Oui, cette loi du silence répond à plusieurs objectifs. D’abord, il faut à tout prix empêcher les citoyens européens de se rendre compte qu’en deux ans (pour le Burkina Faso), voire en une année (pour le Niger), les pays de l’AES ont enregistré des succès, tant économiques que militaires, stupéfiants et sans aucune mesure ni avec ce qu’ont fait les Français quand ils menaient la danse dans ces pays (donc Burkina, Niger, et le Mali que je n’avais pas encore cité, troisième membre de l’Alliance des Etats du Sahel), ni avec ce qu’ont réalisé les présidents octogénaires et vendus à la Françafrique dans leurs nations respectives, à l’instar de Dramane Ouattara en Côte d’Ivoire ou Patrice Talon au Bénin, et eux auraient eu des années, des décennies pour l’accomplir.
Ensuite, il faut continuer de persuader les citoyens que le modèle démocratique européen, droits de l’homme et élections, est exportable et exporté sans perversion, alors que la réalité est exactement contraire. Si les médias occidentaux font l’effort de consacrer quelques lignes à l’AES, c’est pour rappeler que les trois présidents de ces pays ne sont précisément pas parvenus au pouvoir par la voie des urnes, ce qui les rend de facto infréquentables. Or, le sujet est désormais bien compris en Afrique, même par les masses populaires : cet accrochage de façade aux valeurs démocratiques n’est qu’un outil de contrôle de plus par l’Occident, comme les remèdes de cheval imposés par le FMI et la Banque mondiale, car il permet à la France, complice des fraudes de ses protégés, de faire élire qui elle veut. Parmi les octogénaires dont j’évoquais ci-dessus l’existence, certains sont au pouvoir depuis 40 ans et il est de notoriété publique qu’ils gagnent tout le temps, qu' »ils gagnent même quand ils perdent », comme aiment à le dire de nombreux Africains avec qui j’ai discuté.
Enfin (en réalité les raisons sont plus nombreuses mais c’est la dernière des trois principales), il ne faut surtout pas que les Européens soient au courant du sale boulot de déstabilisation de l’AES initié par Macron via la CEDEAO, dont j’ai déjà parlé dans un précédent article, ainsi que via les rares présidents qui osent encore jouer un rôle actif au profit de la France et que j’ai déjà mentionnés également, Ouattara et Patrice Talon (au début c’était un triumvirat avec l’apport de Macky Sall, ex-président du Sénégal, mais son histoire rocambolesque s’est terminée lorsqu’il a été lâché par la Macronie après les émeutes meurtrières de l’automne à Dakar et contraint à effectuer un deal avec ses opposants principaux, Omar Sonko et Diomaye Faye, emprisonnés à la suite de ces émeutes mais dont la popularité et le charisme ont fait peur en France, laissant planer le spectre de la guerre civile). Bref, on ignore en Occident que le capitaine Ibrahim Traoré a été victime en deux petites années de pouvoir de pas moins de 18 tentatives de putsch et/ou d’assassinat, et qu’il ne doit la vie qu’au soutien indéfectible des membres de son entourage et de l’armée ainsi que de l’immense majorité de la population burkinabée. De hauts dirigeants à qui on a promis des milliards pour accomplir cette trahison se sont empressés de venir en référer au capitaine plutôt que de mettre l’argent dans leur poche. Il n’y a plus de Compaoré(s) à Ouagadougou et c’est toute la différence avec le court règne de son modèle le capitaine Thomas Sankara. C’est un signe d’espoir qui laisse penser qu’IB restera à la tête du Pays des Hommes intègres plus longtemps que les quatre ans du règne du camarade Sankara. Il existe d’autres raisons de penser que Traoré sera difficile à déloger, au premier rang desquelles on peut citer le soutien de la Russie de Vladimir Poutine à la lutte de l’Afrique pour une souveraineté pleine et réelle. Cette alliance, que l’on présente en général comme temporaire du côté de l’AES, agit comme le repoussoir le plus efficace contre les tentatives de déstabilisation. Cette alliance elle-même mériterait une réflexion plus approfondie, qui fait d’ailleurs partie de mes projets…
Venons-en enfin au bref survol de l’actualité africaine des derniers mois. Que nous avions laissé je crois autour du mois de juillet avec la tenue de la réunion, le 6, des pays de l’AES, au cours de laquelle le principe de la création d’une Confédération avait été acté via un traité. Le 3 août, Abdourahamane Tiani annonce sa formation imminente… Dans un autre registre, Assimi Goïta promet le 16 septembre la création d’une Banque d’investissement commune, d’une chaîne de télévision et d’un passeport biométrique. En novembre est signé un accord sur la fin des frais d’itinérance entre les trois pays.
Le présent survol est essentiellement politique, d’où sa brièveté. Et pour ne pas fatiguer le lecteur, il ne concerne que l’AES. J’ai parlé du Ghana, j’aurais pu revenir sur la situation sénégalaise ou évoquer la ligne de chemin de fer proposée par le Togo aux nations de l’AES. En outre, pour ce qui est des réalisations, par exemple dans le domaine de l’agriculture, où sont signés de remarquables progrès, comme en économie, avec entre autres le stupéfiant remboursement par le Burkina d’une dette intérieure de près de 5 milliards d’euros, je me réserve bien sûr le temps et l’espace d’y revenir prochainement et en détail, puisqu’aussi bien les succès qui s’enchaînent, de la création d’usines de conditionnement de tomates aux livraisons de centaines de tracteurs en passant par la production d’une voiture électrique « made in AES », sont systématiquement passés sous silence dans nos latitudes.
Je continue donc ma liste quelque peu scolaire et parviens à la date du 13 décembre, où est réaffirmée l’inéluctabilité de la décision de sortie de la CEDEAO, alors que celle-ci, bien que personne ne le lui ait demandé, avait décidé quelques semaines auparavant d’accorder encore un délai de six mois au Mali, au Niger et au Faso pour reconsidérer leur position sur le sujet. D’ailleurs, le 22 décembre, l’AES réitère son refus de tout retour et de toute négociation avec la CEDEAO.
Terminons ce bref passage en revue des faits saillants de la fin 2024 et du début 2025 avec trois dates : le 23 janvier 2025 est annoncée la mise en place effective du passeport commun pour la semaine suivante – de fait, il est entré en vigueur le 29 janvier. Puis, le 5 février, les Etats membres de l’AES signent une convention instaurant une politique culturelle commune. Enfin, le 22 février, les ministres de l’Alliance des Etats du Sahel dévoilent le drapeau de la confédération AES après sa validation par les chefs d’Etat des pays membres. Il s’agit d’un étendard sur lequel règne le sigle de l’AES, placé au centre, avec le fond du drapeau en vert.
Retrouvez-nous
sur vos réseaux